Publié le 30·09·2022

Le retour au travail des travailleurs en incapacité de travail de longue durée

Autheur Auteur·e Dr Sandrine Ruppol, Directrice médicale du groupe CESI

Temps de lecture 9 min.

L’arrêté royal du 11 septembre 2022 modifiant le code du bien-être au travail concernant le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de travail a été publié au Moniteur belge du 20 septembre 2022. Il entrera en vigueur le 1er octobre 2022.

Un nouveau paradigme

Dissocier les résiliations du contrat de travail pour force majeure médicale du trajet de réintégration.

Un amendement à l’article 34 de la loi relative aux contrats de travail à cet égard sera présenté prochainement au Parlement. L’Article 19 de l’Arrêté Royal modifiant le Code du Bien-être au travail concernant le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de travail n’entrera en vigueur qu’une fois l’amendement validé. Cet article décrit les modalités que le médecin du travail devra suivre pour communiquer une décision d’inaptitude définitive au travail convenu. Cette décision ne pourra plus être prise dans le cadre du trajet de réintégration. D’ici là, les anciennes dispositions resteront d’application. Il concerne à priori les situations dans lesquelles le travailleur est en incapacité de travail depuis une période ininterrompue de plus de 9 mois minimum.
Nous vous reviendrons au sujet de cet article et de ses dispositions dès validation.

Une collaboration de toutes les parties pour une plus grande chance de succès du retour au travail

Concentrer nos efforts pour faciliter un retour au travail le plus rapide possible via la visite de pré-reprise et/ou via un trajet de réintégration et si échec, via un trajet de réinsertion socio-professionnel.

Toutes les parties impliquées se concentreront dorénavant sur un seul objectif : définir ensemble comment favoriser le plus rapidement possible le retour au travail du travailleur en incapacité.

Plusieurs canaux sont aujourd’hui possibles pour entamer ce trajet :

  • Le travailleur de sa propre initiative, et/ou sous les conseils de son médecin traitant, et/ou sous les conseils du médecin-conseil et du coordinateur du retour au travail de la mutuelle
  • L’employeur, plus rapidement qu’avant, dès trois mois d’incapacité consécutive ou à la réception d’une attestation d’incapacité définitive à effectuer le travail convenu, attestation émise par le médecin traitant du travailleur

Si l’employeur est déjà sensé aujourd’hui informer le médecin du travail de tout collaborateur en incapacité d’au moins 4 semaines, une nouvelle tâche revient aujourd’hui au médecin du travail ou à ses collègues infirmiers : informer le plus rapidement possible ce collaborateur des possibilités et des avantages d’une visite de pré-reprise de travail afin de pouvoir l’orienter vers un examen de reprise de travail ou un trajet de réintégration. Il disposera ainsi d’un dossier médical bien documenté, pour prendre les bonnes décisions et formuler, si opportun, des recommandations d’adaptation du poste de travail. Le but est de faciliter au travailleur un retour au travail le plus rapidement possible.

Une clarification importante est aujourd’hui formulée dans l’Arrêté Royal: un trajet de réintégration ne peut s’entamer après accident du travail ou maladie professionnelle qu’une fois que l’incapacité temporaire de travail résultant de cet accident de travail ou de cette maladie professionnelle a pris fin conformément à la législation sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.

Qu’est-ce qui change dans l’organisation du trajet de réintégration ?

  • Les décisions du médecin du travail évoluent
  • Certains délais sont adaptés
  • Le suivi des décisions du médecin du travail par l’employeur est renforcé
  • Les conditions de fin de trajet de réintégration sont clarifiées.

Les décisions du médecin du travail évoluent

Le médecin du travail aura, dès le 1er octobre 2022, le choix entre 3 décisions :

  • La décision A, proche de l’ancienne décision A : le travailleur pourra à terme reprendre le travail convenu, le cas échéant avec une adaptation de poste. Il peut entretemps effectuer un travail adapté ou un autre travail
  • La décision B, proche de l’ancienne décision C : le travailleur est définitivement inapte à effectuer le travail convenu, mais il peut effectuer un travail adapté ou un autre travail
  • La décision C, proche de l’ancienne décision E, qui communique le constat du médecin du travail que pour le moment, et ce, pour des raisons médicales, il n’est pas possible de procéder à une évaluation de la réintégration. Les situations qui motivaient une décision B avant le 1er octobre, aboutiront à la nouvelle décision C.

L’ancienne décision D (inaptitude définitive au poste de travail convenu et à tout autre poste de travail) ne pourra plus être prise dès ce 1er octobre.

Dans le cadre des nouvelles décisions A et B, le médecin du travail s’attachera à décrire le plus explicitement possible les conditions et modalités du travail adapté ou autre travail possible, compte tenu de l’état de santé et du potentiel du travailleur.

Le médecin du travail, avec l’autorisation du travailleur, fera appel à différentes expertises complémentaires tels que le médecin traitant du travailleur, le médecin conseil, le coordinateur retour au travail, les conseillers en prévention ergonomes, psychologues, etc… Le médecin du travail examinera, si nécessaire, le poste de travail du collaborateur.

Certains délais sont adaptés

  • L’employeur peut demander le démarrage d’un trajet de réintégration pour son collaborateur après une période d’incapacité de travail ininterrompue de 3 mois et non plus 4 mois. Si une reprise de travail échoue et qu’une nouvelle incapacité de travail survient dans les 14 premiers jours de cette reprise, la période globale d‘incapacité n’est pas considérée comme interrompue
  • Le médecin du travail veille à ce que sa décision soit communiquée au travailleur, à son employeur et au médecin conseil au plus tard 49 jours calendrier à partir du lendemain du jour de réception de la demande de réintégration
  • Le travailleur dispose d’un délai de 21 jours calendrier à compter du lendemain du jour de la réception d’une décision B du médecin du travail (inaptitude définitive au poste convenu avec possibilité d’adaptation du poste ou autre travail) pour introduire un recours contre cette décision
  • La décision à l’issue du recours sera prise par le médecin inspecteur social, le médecin traitant et le médecin du travail dans les 42 jours calendrier à compter du lendemain du jour où le médecin inspecteur social a reçu la demande de recours
  • L’employeur dispose de 63 jours calendrier à compter du lendemain du jour où il reçoit une décision A (avec proposition d’adaptations temporaires) du médecin du travail pour remettre un plan de réintégration au travailleur et dispose de 6 mois pour remettre ce plan si la décision est une décision B (avec propositions d’adaptation définitive des tâches du travailleurs ou autre travail). Les mêmes délais prévalent pour la remise d’un rapport motivant son impossibilité de proposer un plan de réintégration
  • Le travailleur dispose d’un délai de 14 jours calendrier à partir du lendemain du jour où il reçoit un plan de réintégration pour l’accepter ou le refuser.

Le suivi des décisions du médecin du travail par l’employeur est renforcé

L’employeur s’appuie sur sa politique collective de réintégration pour analyser toutes les possibilités de prendre en compte les recommandations du médecin du travail afin de proposer à son collaborateur un retour au travail dans de bonnes conditions. Un accent est également aujourd’hui mis sur les aménagements raisonnables pour les personnes handicapées.

L’employeur capable de proposer un plan de réintégration à son collaborateur le lui décrira clairement. Le travailleur qui accepte ce plan sera suivi par le médecin du travail dans son parcours de réintégration. Le travailleur qui refuse le plan devra y mentionner les raisons de son refus.

Si il ne peut pas offrir d’autre travail ou de travail adapté, l’employeur doit élaborer un rapport justifiant qu’il a sérieusement exploré les possibilités d’autre travail ou de travail adapté mais qu’il n’a pas pu les concrétiser et pour quelles raisons objectives.

Les conditions de fin de trajet de réintégration sont clarifiées.

Le trajet de réintégration s’inscrit dans un programme plus large de promotion du retour au travail, dans le cadre duquel un autre canal que le trajet de réintégration est en place pour favoriser ce retour au travail. Il s’agit du trajet de réinsertion socio-professionnelle que le travailleur sera invité à suivre par le médecin-conseil et/ou le coordinateur retour au travail (La réinsertion socio-professionnelle – INAMI (fgov.be))Afin de faciliter la réorientation du travailleur pour lequel un trajet de réintégration n’aurait pas abouti vers un éventuel trajet de réinsertion socio-professionnelle, le législateur a clarifié les conditions de clôture des trajets de réintégration.

Certaines conditions sont déjà d’application et le resteront. Le trajet est clôturé lorsque :

  • L’employeur a remis au médecin du travail son rapport motivant son impossibilité de proposer un plan de réintégration à son collaborateur
  • Le médecin du travail reçoit de la part de l’employeur le plan de réintégration refusé par le travailleur.

Une condition est encore d’application pour tout trajet entamé avant le 1er octobre et pour laquelle une décision D aura été remise également avant le 1er octobre :

  • L’employeur a reçu le formulaire de réintégration de la part du médecin du travail, dans lequel ce dernier a jugé le travailleur inapte définitivement et qu’il n’y a pas de travail adapté ou d’autre travail possible et que les possibilités de recours sont épuisées.

D’autres conditions, décrite à l’article 15 de l’Arrêté Royal modifiant le Code du Bien-être au travail concernant le trajet de réintégration pour les travailleurs en incapacité de travail, ne seront d’application qu’une fois l’amendement validé. Il s’agit des suivantes :

  • L’employeur est informé que le travailleur n’a pas accepté l’invitation du médecin du travail après avoir été invité 3 fois avec un intervalle d’au moins 14 jours calendrier entre chaque invitation
  • L’employeur a reçu du médecin du travail une décision C (nouvelle) pour le trajet en question
  • L’employeur a remis au médecin du travail et au travailleur le plan de réintégration accepté par le travailleur.

Un nouveau trajet de réintégration restera possible au plus tôt 3 mois après la clôture du précédent à la demande de l’employeur ou du travailleur. Ce délai de 3 mois peut être adapté sur avis du médecin du travail.

Un enrichissement de votre politique de prévention des arrêts de travail et de gestion des modalités de retour au travail

L’employeur est invité à développer et enrichir sa politique collective de réintégration afin de promouvoir la participation effective de tous les acteurs de l’entreprise à cet objectif. Il y décrit les conditions et modalités d’adaptation de postes et de réaffectation à d’autres postes des collaborateurs qui le nécessiteraient. 

Une évaluation annuelle de cette politique est prévue, sur base d’un rapport de l’employeur et du médecin du travail dont les contenus sont décrit dans l’Arrêté Royal.

Le groupe CESI, au travers du SEPP, ses médecins du travail, ses conseillers en prévention, notamment ergonomes et CPAP, mais aussi au travers de One s’investiront aux côtés de ses affiliés dans le développement de cette politique de réintégration mais aussi dans une approche préventive en amont de la réintégration visant à diminuer l’absentéisme de longue durée.

Sources :

Le nouveau trajet de réintégration présenté par le SPF Emploi
Le trajet retour au travail
La réinsertion socio-professionnelle – INAMI (fgov.be)